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An de Grâce 1176.
Depuis plusieurs années maintenant, les habitants du Bas Limousin
et du Haut Quercy sont victimes de guerres féodales qui opposent
Henri II Plantagenêt à ses fils ( Henri, Richard, Geoffroy
) soutenus par le roi de France Louis VII.
Richard Cur de Lion, jeune duc dAquitaine, s'oppose à
ses vassaux qui lui reprochent de sêtre réconcilié
avec son père lors de la révolte de 1174 et davoir
changé de camp ( doù son sobriquet de « Oc et
No », « oui et non » ).
Aux guerres entre Henri II Planatgenêt et ses fils, soutenus par
leur mère Aliénor d'Aquitaine, viennent s'ajouter des guerres
entre les barons limousins.
Attaques de châteaux, coups de mains et traîtrises senchaînent.
Les populations subissent les exactions de mercenaires aux origines diverses
( Brabançons, Basques, Navarrais, hommes dEglise excommuniés
pour avoir blessé, tué ou simplement défendu les
armes à la main les biens de lEglise ou leur propre vie )
tantôt employés par lun, tantôt employés
par lautre.
Lorsque ces routiers ( de route signifiant bande en vieux Français
) sont licenciés par leurs employeurs, ils vivent sur le pays où
ils se trouvent... Ils sinstallent dans un château qui leur
sert de base dopérations et ils sen prennent souvent
aux biens de lEglise à cause de ses richesses.
Cest ainsi quen 1175, le château de Malemort près
de Brive-la-Gaillarde, tombe entre les mains d'une bande de mercenaires
dirigée par un certain Guillaume le Clerc, ancien moine natif du
Cambrésis et devenu routier.
L'attaque du château de Malemort semble ne pas être le fruit
du hasard. En effet, ce château « tout neuf »
d'où son surnon de Beaufort, a été bâti sur
ordre de l'évêque de Limoges et confié à Gilbert
de Malemort. Mais en Aquitaine, seul le Duc peut ordonner la construction
de place-fortes. N'ayant pas été consulté, Richard
a sans doute envoyé ces mercenaires afin de déstabiliser
la région et affaiblir les seigneurs limousins.
Le château de Beaufort devient ainsi la base arrière d'opérations
menées par Guillaume et ses hommes dans les alentours de Brive.
L'année 1176 est marquée par la consécration de
l'église abbatiale d'Aubazine (ou Obazine) par l'archevêque
de Bourges et l'évêque de Limoges, accompagnés des
grands seigneurs de la région. Dans les semaines qui suivent, l'abbaye
voit affluer toujours plus de monde. Chacun se presse pour découvrir
cette nouvelle église, l'une des plus grandes du Limousin ; et
beaucoup ont également entendu parlé de l'impressionnant
canal, taillé dans la colline par les moines eux-mêmes pour
amener l'eau vers l'abbaye. Simples voyageurs, marchands et surtout pèlerins
arrivant de Tulle, font étape à Aubazine avant de poursuivre
vers Rocamadour et pour certains jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle.
Mais depuis leur château de Malemort, situé à moins
de trois lieues d'Aubazine en direction du Couchant, Guillaume le Clerc
et ses mercenaires s'en prennent de plus en plus régulièrement
à ces voyageurs qu'ils détroussent au détour des
chemins forestiers. Pour faire cesser ces exactions, l'évêque
de Tulle en appelle alors aux grands seigneurs de la région auxquels
il demande d'assurer la sécurité des pèlerins sur
les chemins qui traversent leurs terres. En amont d'Aubazine, c'est Pierre
de Cornil, à la tête de la seigneurie du même nom,
qui est chargé de cette tache, avec le soutien de son puissant
voisin le vicomte Raymond II de Turenne.
C'est dans ce contexte tourmenté que prend place le rassemblement
de l'Epée et du Bourdon.
Un groupe de pèlerins se rend à Rocamadour pour y vénérer
la Vierge Noire et saint Amadour dont le corps a été découvert
miraculeusement intact dix ans plus tôt. Depuis l'étape de
Tulle, la petite troupe est accompagnée par les hommes de Cornil
qui assurent leur sécurité jusqu'à l'abbaye d'Aubazine.
Dans la forêt du Puy de Pauliac, ils font la rencontre de paysans,
essartiers, bucherons et autres artisans qui travaillent à la construction
d'un ermitage pour les moines. Les soldats sont sur leurs gardes car des
mercenaires auraient été aperçus non loin de là...
Malgré ces escortes, les attaques s'intensifient dans les mois
qui suivent et les mercenaires se font de plus en plus menaçants.
Fort dune armée de plus de deux mille hommes, Guillaume le
Clerc envisage dattaquer la riche abbaye de Tulle ce qui provoque
une réaction des autorités religieuses.
Au début du printemps 1177, Dom Isambert, abbé de Saint
Martial de Limoges, prêche une véritable croisade qui fait
lunanimité de tous. La noblesse se réunit, fait taire
ses dissensions et décide lévêque Gérald
Hector du Cher à suivre larmée improvisée.
Larmée limousine arrive à Brive le 20 Avril et le
lendemain, les deux armées se font face dans la plaine de Lacan
entre Brive et Malemort. La bataille de Malemort dure plus de cinq heures,
au cours desquelles les mercenaires sont taillés en pièces.
Daprès le chroniqueur Geoffroy de Vigeois, les Limousins
tuent ce jour-là plus de 2000 Brabançons de tous sexes dont
Guillaume le Clerc.
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